Notre histoire

Quelques mots sur l’histoire de la Communauté Juive du Luxembourg de l’Antiquité au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

L’époque médiévale

Bien avant la destruction du premier Temple de Jérusalem en 586 avant J.C., des communautés juives avaient commencé à migrer dans le bassin méditerranéen. Après la destruction du second Temple par Titus en 73 après J.C. et l’interdiction de résider à Jérusalem, au début de ce qu’il est convenu d’appeler l’ère vulgaire, c’est une grande partie du peuple juif qui se trouve dispersée, emportant sa croyance, ses traditions et sa nostalgie.

Nombre de ces migrants vont, à la suite des armées romaines, se répandre dans les vallées rhénanes et mosellanes en suivant les routes commerciales de l’empire romain et créer d’importants centres de rayonnement religieux et culturels. Alternativement protégés puis chassés au gré du bon vouloir des princes ou des nécessités du moment, en butte à l’hostilité des populations fréquemment exaltées par le bas clergé, ils vont tenter de se sédentariser dans les états qui, provisoirement, et pour des raisons généralement économiques voudront bien les accueillir.

Luxembourg se trouve à la croisée de deux de ces routes tant stratégiques que commerciales, l’une suivant la vallée de la Moselle, qui relie la Gaule à la Rhénanie, l’autre qui va de la Champagne à Trêves, Cologne et surtout vers les villes du “Schum” Spire, Worms et Mayence, ces centres culturels juifs dont l’apogée se situera entre le 11ème et le 13ème siècle et où étudia Rashi de Troyes.

À Luxembourg, c’est dans un acte du 5 juin 1276 qu’est pour la première fois fait officiellement mention de la présence d’un certain Henri de Luxembourg, juif.

Ultérieurement, protégés par Charles VI, des juifs auraient – selon des documents datés de 1349 – habité la vallée de la Petrusse ou se trouvait également leur cimetière. Plus tard, la Rue des Juifs se constitua dans le faubourg avoisinant la Porte des Juifs mentionnée en 1367, et qui tenait son nom de l’agglomération juive qui formait son voisinage (la Porte des Juifs sera remplacée en 1627 par la Porte Neuve).

Accusés d’avoir empoisonné les puits lors de l’épidémie de peste de 1348 1349, les juifs sont persécutés, battus, certains brûlés (à Wincrange ou à Wormeldange, le document est difficilement lisible) malgré l’intervention de Charles IV roi de Bohème et comte de Luxembourg. En 1391 est prononcée l’expulsion des survivants, mais il semble qu’à ce moment-là, pour quelle raison, l’on n’en sait rien, ils ont déjà quitté le pays.

De 1405 à 1532 l’on note la présence intermittente de quelques familles sous la domination bourguignonne, mais en 1532 elles sont frappées par un Édit de Charles Quint qui interdit définitivement leur séjour dans les Pays Bas.

Le 19ème siècle

La révolution française et les nouveaux courants de pensée qu’elle va générer sont à l’origine d’une situation nouvelle dont va résulter l’émancipation des juifs. Après d’âpres débats, le décret du 28 septembre 1791 leur accorde l’intégralité des droits civiques. Intégré à l’Empire sous le nom de département des forêts par Napoléon, Luxembourg va devoir appliquer les directives impériales.
C’est le 14 juillet 1795 qu’un décret abolit les taxes discriminatoires et souvent dissuasives imposées aux juifs et leur permet de s’établir librement ou bon leur semble.

A Luxembourg, le premier recensement des juifs va avoir lieu au début du 19ème siècle lorsque obligation sera faite à tout citoyen d’adopter un nom de famille (décret sur la prise de nom patronymique du 8 septembre I808) ce qui jusqu’alors n’était pas nécessairement le cas chez les juifs. Ce recensement nous donne une image assez précise de ce qu’était la Communauté juive à cette époque en indiquant qu’elle comprenait 75 individus : 13 hommes, 15 femmes et 47 enfants et en nous fournissant de précieuses indications sur les structures familiales (36 adultes pour 55 mineurs d’âge, c’est donc une population jeune). Il nous dit également que, souvent issus de familles très pauvres, ces gens savent pratiquement tous écrire, soit en caractères romains ou gothiques, soit en hébreu. Ce qu’il ne nous dit pas, c’est d’où viennent ces familles, mais c’est le cimetière de Clausen qui nous fournit les réponses : en majorité, elles sont issues de villages ou de petites localités de la Sarre proche et surtout de la Moselle française.

Pourquoi viennent-elles ? Essentiellement pour des raisons économiques. Exclus du commerce et des circuits artisanaux par les corporations soutenues par l’institution religieuse, soumis à des taxes très lourdes, en particulier la taxe Brancas de 1715 jusqu’à la révolution en lorraine, exclus des villes, interdits du droit de propriété en beaucoup de lieu, les juifs n’ont souvent d’autre possibilité que le colportage ou le travail saisonnier.

Comment va se dérouler l’installation des juifs à Luxembourg ? Dans un pays profondément enraciné dans le culte catholique et d’où les juifs étaient absents depuis le 16° siècle on aurait-pu croire que l’acceptation de ce retour soit difficile.

Il n’en a rien été grâce aux rapports favorables du préfet du département des forêts, Jean Baptiste Lacoste, du Conseil Municipal et du Procureur impérial près du Tribunal de première instance qui tous attestaient que “la conduite civile et politique était exempte de tout reproche et que la surveillance de la police ne rencontrait aucun sujet de plainte particulière contre eux, ce qui est un témoignage constant de leur moralité”.
Mais l’artisan incontestable de cette intégration réussie est Pinhas Godchaux.

Qui est Pinhas Godchaux ?
Il est né en 1771 à Manom, près de Thionville dans une fratrie de 9 enfants. Issu d’une famille messine d’une part, la famille De Bonn dont une partie changera de nom à la révolution à cause de la particule pour « Godchaux » (Gottschalk) descendant d’autre part par la branche maternelle du Maharal de Prague, grand penseur juif de la renaissance (le golem), Pinhas Godchaux a une profession, il est “essayeur d’or et d’argent”. A ce titre, il se rend fréquemment à Luxembourg, probablement depuis 1795 et s’y installe en 1798.

L’une des caractéristiques de Pinhas Godchaux est qu’il bénéficie de l’estime et de la confiance de la communauté juive et que d’autre part sa bonne conduite et sa probité dont attestent tant le premier magistrat de Luxembourg que les personnes avec lesquelles il travaille vont faire de lui le représentant incontournable de la communauté juive.

Pinhas a 8 frères et sœurs, mais nous allons nous intéresser plus particulièrement à l’un de ses frères, Lion Godchaux, et plus exactement à deux des fils de ce frère, Guetschlik et Samson qui vont jouer un rôle essentiel dans l’essor économique de Luxembourg au 19° siècle. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet.

En 1806, la législation napoléonienne introduit un règlement général du culte israélite dans tous les états de l’empire, qui vise à faire contrôler par l’état toute l’administration et les manifestations du culte en instaurant la mise en place obligatoire d’un consistoire pour chaque département renfermant 2000 individus juifs et le rattachement au consistoire le plus proche lorsqu’il y a moins de 2000 juifs, ce qui est le cas de Luxembourg, qui sera rattaché au consistoire de Trêves.

Après le congrès de Vienne, Luxembourg étant rattaché à la Hollande, va dépendre du consistoire de Maastricht, et c’est Pinhas Godchaux qui tout au long de ce processus, et bien au-delà, au cours du 19° siècle, en aura la charge sous les titres consécutifs de “surveillant de la communauté des juifs”, “chef de la synagogue hébraïque”, “responsable de la synagogue de Luxembourg” et enfin “président de la communauté des juifs”.

Lorsqu’on se penche sur les actes d’état-civil de la première moitié du 19° siècle, naissances, mariages ou décès, la signature de Pinhas Godchaux figure obligatoirement au bas du document.

A partir de 1815 des familles juives vont s’établir successivement à Arlon, à Ettelbruck, à Grevenmacher, à Mertert, à Dalheim, à Echternach, à Grosbous, à Erpeldange, à Frisange, à Schengen et, plus tard, en 1836 à Esch.

Au fur et à mesure de l’implantation de la communauté juive cité, va s’imposer la nécessité de normaliser ses relations au sein de la société civile, d’avoir un lieu de culte et d’adapter l’éducation des enfants en vue de leur intégration.

Il faut bien se souvenir qu’issus de régions différentes, les juifs issus des premières communautés s’installant à Luxembourg parlaient soit l’allemand, soit le français, soit même le patois lorrain ou le Yiddish-daitsch qui était commun à tous. Dans les archives du consistoire sont conservés les comptes-rendus des réunions mensuelles qui sont écrits indifféremment en français, en Spitzschrift (alphabet allemand ancien, Sütterlin ou Fraktur, communément nommé gothique) ou en Yiddish.

A titre transitoire, le conseil échevinal et le gouvernement s’accordèrent afin d’accorder un subside à la communauté juive afin de l’aider à acquérir un local et à le chauffer, mais refusèrent cependant de salarier un instituteur, alors qu’était exigée l’obligation d’enseigner, outre la religion et la langue hébraïque, les bases communes à toutes les autres écoles élémentaires.

Issue des régions avoisinantes, plus particulièrement la Lorraine et l’Allemagne cette population va rapidement progresser et la nécessité d’avoir son propre lieu de culte va s’imposer. En 1821, la communauté obtient dans la rue du Petit Séminaire un bâtiment vendu comme bien national et acquis par la ville après avoir été un refuge des religieuses de Differdange, de l’ordre de Saint Bernard.

L’inauguration et la consécration de cette première synagogue d’une centaine de places auront lieu en 1823. La juridiction consistoriale de Trêves dont dépend la petite communauté, place cette dernière sous la tutelle de Pinhas GODCHAUX, surveillant des juifs.

La guerre de 1870 provoque un afflux considérable de familles désirant échapper à l’occupation germanique et à la conscription en Alsace Lorraine. Cette nouvelle communauté ne trouvant plus de place dans la synagogue de la rue du séminaire devenu trop exiguë, des démarches vont être entreprises à partir de 1876 en vue de la construction d’un bâtiment plus adapté aux exigences démographiques. D’après les plans du professeur Ludwig LEVY de Karlsruhe, l’architecte luxembourgeois Charles ARENDT va réaliser un tour de force en construisant cette synagogue de style néo oriental en quinze mois.

La première pierre ayant été posée en juillet 1893, l’inauguration officielle aura lieu le 28 septembre 1894 en présence des plus hautes autorités, accueillies par le rabbin Isaac Blumenstein et le président du consistoire Louis Godchaux . Cette synagogue restera en fonction jusqu’à sa destruction en 1941. 3 autres synagogues ont été construites durant le 19° siècle ; Ettelbruck, Mondorf et Esch. Mais le culte était également célébré dans de nombreux villages trop petits pour avoir une synagogue et où les fidèles se rassemblaient dans une maison particulière.

Le premier cimetière juif de Luxembourg est celui de Clausen Malakoff. C’est en 1817 que l’on retrouve dans les archives le premier document relatif au cimetière juif dit de Clausen-Malakoff. Il s’agit d’une demande signée par Messieurs Godchaux, Lippmann et CAHEN, adressée à l’Administration Communale, l’informant de l’achat d’un terrain et demandant l’autorisation de l’utiliser en tant que cimetière.

La tombe la plus ancienne connue (Salomon RUBEN) est datée de 1815 (donc antérieure à la création du cimetière). Le cimetière de Clausen restera en fonction jusqu’en 1884 date à laquelle sera inauguré celui de Bellevue. Quant aux autres cimetières juifs du Luxembourg, ils ont été créés en 1856 pour Arlon, 1881 pour Ettelbruck, 1900 pour Grevenmacher et 1905 pour Esch-sur-Alzette.

Quelques personnages hors du commun ont traversé la communauté juive du 19° siècle. Et il ne saurait être question de les évoquer tous.

Celui qui a le plus marqué son époque, bien au-delà des frontières de Luxembourg, est le rabbin Hirsch. Fils d’un marchand de bestiaux, né à Thalfang le 8 juin 1815, Samuel Hirsch a suivi des cours de philosophie et de théologie aux universités de Bonn et de Berlin avant d’occuper le poste de rabbin à Dessau, ville natale de Moses Mendelssohn.

Sa conception extrêmement libérale du judaïsme l’oblige à quitter la très traditionnelle communauté de Dessau. Lors des congrès rabbiniques en Allemagne il propose un judaïsme réformé plus axé sur une contribution philosophique du judaïsme à la pensée contemporaine qu’à une stricte observance d’un rituel qu’il considère comme sclérosant.

Rabbin de Luxembourg de 1843 à 1866, il éprouve des difficultés à imposer sa vision d’un judaïsme réformateur à ses coreligionnaires traditionnalistes de Luxembourg qu’il quitte en 1866 pour Philadelphie ou il fait accepter ses idées directrices qui constituent la base du judaïsme libéral américain.

Comme plusieurs de ses successeurs, le rabbin Hirsch va entrer en franc-maçonnerie et exposera ses idées au sein de la loge des enfants de la Concorde fortifiée.

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Autre personnage intéressant. : Léo Lippmann né à Luxembourg le premier mars 1808. Son père, Jonas LIPPMANN (1770-1841) né à Binswangen, en Allemagne et sa mère, Gothon LEVY (1784-1866) se sont installés à Luxembourg en 1807. Ayant travaillé jusqu’à l’âge de dix-huit ans dans la fabrique de gants de son père, il se rend en 1826 à Amsterdam ou il exerce le métier de représentant de commerce. Par son mariage il accède au monde de la banque et devient un personnage très en vue dans les milieux de la finance.

Homme d’affaires avisé, il est nommé Consul général du Grand-Duché de Luxembourg à Amsterdam, ou il décède le 11 novembre 1883. Une grande partie des collections de tableau de la ville de Luxembourg est constituée d’un legs de Léo Lippmann.

Un personnage qui m’a fasciné et dont j’ai retracé l’histoire est Louis Ferdinand Fix dont j’ai relaté l’étonnante trajectoire militaire dans le N°218 du Trait d’Union que l’on peut consulter dans cette même rubrique d’histoire.

Mais c’est incontestablement la famille Godchaux dont l’influence a été la plus remarquable tant sur le plan social et la condition des ouvriers que sur l’essor industriel de Luxembourg durant la seconde moitié du 19ème siècle.

Vers 1823 Samson et Guetschlick Godchaux, les fils de Lion Godchaux, les neveux de Pinhas installent 2 métiers à tisser dans une remise rue Philippe II. Vers 1825 ils transfèrent ces deux métiers dans un atelier de tissage au Paffenthal rachètent d’autres métiers et déménagent à la Schleifmuhl.

L’entreprise transforme son activité qui, de simple tissage passe au cycle complet de la laine brute jusqu’ au drap. Après avoir installé en 1868 une filiale à Ettelbrück, puis une autre en France à la Roche sur Chiers en 1884, ils s’associent avec un autre fabricant, Conrot. Vers 1890 ils emploient plus de 2000 ouvriers dont la majorité à la Schleifmuhl. Ils introduisent alors un ensemble de mesures qui représentent une véritable révolution sociale à Luxembourg, mesures que l’on peut qualifier aujourd’hui de paternalistes mais qui représentent une incontestable avancée au sein d’un monde du travail extrêmement rétrograde du 19° siècle.

C’est ainsi que sont construites à Hamm qui devient le village des ouvriers du textile ces petites maisons que l’on nomme les “Kasären”, c’est ainsi que l’entreprise développe une vie sociale autour de la chorale Orphéon, d’une Spillschoul (crêche et école maternelle), du Kayak club, de réunions et de manifestations culturelles et surtout de la société d’entr’aide et de secours mutuel, embryon de notre actuelle sécurité sociale. Parallèlement, les Godchaux sont à la pointe du progrès technique tant en innovant de nouvelles machines qu’en construisant une centrale électrique alors que la ville s’éclaire encore au gaz. Paul Godchaux caracole sur un cheval blanc à la tête du corps de 200 sapeurs-pompiers équipés de fusils.

Non sans difficultés, à cause de sa religion, Paul Godchaux devient le premier bourgmestre juif de pays à Hamm, poste qu’occupera également par la suite Jules Godchaux.

Les Godchaux étaient également actionnaires de la Banque internationale, de la société des Bains de Mondorf, de la Fonderie de Hollerich qui deviendra la Ste Paul Wurth, de la poudrerie de Luxembourg, et de la Brasserie de Diekirch.

Toute cette belle aventure se terminera lors de la seconde guerre mondiale avec la déportation et la mort à Theresienstadt en 1942 du dernier directeur, Emile Godchaux.

D’autres entreprises industrielles créées par des juifs virent le jour durant la seconde moitié du 19° siècle : la fabrique de gants Lippmann reprise par Auguste Charles, la fabrique de gants de Gabriel Mayer qui fit construire la villa Vauban, autre fabrique de gants : Rheinhard dans le Grund, la teinturerie Bonn Sichel à Larochette, la société de lits métalliques au Paffenthal puis à Cessange, la société de confection Armand Oppenheim qui dura jusqu’en 1970, la société Sichel et Ganz qui deviendra le Comptoir des fers et métaux.

Plus tard s’installa à Wiltz la tannerie Idéal reprise par Friedrich Léon Adler et Julius Oppenheimer et beaucoup plus tard l’entreprise de confection Vestimenta.

Quant aux commerces, certains sont encore présents dans le monde économique luxembourgeois : Bonn Frères, fondé en 1855, Muller & Wegener, Tapis Hertz, d’autres ont disparu à la fin du 20ème siècle : Rosenstiel, Sternberg, Brahms, et bien d’autres.

Après la première guerre mondiale de nombreux juifs issus d’Europe de l’est, fuyant la pauvreté et l’antisémitisme arrivèrent dans le grand-duché où ils purent trouver facilement du travail dans le bassin minier et la sidérurgie. Compte tenu des différences sociales, des différences de rites religieux et de culture leur accueil de la part de l’establishment juif ne fut pas des meilleurs. Beaucoup de ces juifs de l’Est s’établirent dans le bassin minier et dans les années 1930 une soixantaine de magasins avaient éclos à Esch.

À Luxembourg et dans les autres villes du pays, le commerce de bétail occupait une place importante dans les activités et peu avant la seconde guerre mondiale 180 magasins de détail étaient tenus par des juifs.

La seconde guerre mondiale

Dès 1931 le député juif Marcel Cahen rendit attentif au danger que représentait Adolf Hitler en Allemagne. Ses craintes se justifièrent lors de la prise de pouvoir des nazis et l’immigration des juifs à Luxembourg à partir des lois de Nuremberg en 1935 s’accéléra jusqu’en 1940.

Le 10 mai 1940 les troupes allemandes se ruent sur l’Europe et envahissent – entre autres – le Grand-Duché. La population juive est cette époque d’environ quatre mille personnes.

Du 10 mai 1940 au 28 juillet 1940, la communauté juive vit sous l’autorité militaire allemande ses derniers moments de calme avant la tempête qui va la laisser exsangue. Le 28 juillet 1940 Hitler nomme Gustav SIMON Gauleiter, chef de l’administration Civile du Luxembourg. Entre les mauvais traitements, les restrictions de nourriture, et les déportations, 1200 personnes, soit un tiers environ de la communauté juive, vont périr. La synagogue sera détruite à partir de 1941.

L’après-guerre

Au lendemain de la guerre les rescapés de l’Holocauste qui ont pu regagner Luxembourg se retrouvent sans lieu de culte. Le nouveau consistoire obtient de l’Etat un terrain et une aide financière substantielle.

Les architectes Victor ENGELS et René MAILLIET vont concevoir un bâtiment qui sera bien entendu, un lieu de culte, mais également un Centre Social et administratif. D’inspiration résolument moderne, cette synagogue respecte cependant l’ensemble des impératifs religieux et traditionnels.

La première pierre est posée le 12 juin 1951, l’inauguration a lieu le 28 juin 1953 en présence de SAR le grand-duc héritier Jean accompagné des plus hautes autorités de la Ville et de l’État. Le Grand Rabbin LEHRMANN consacre la synagogue en présence de nombreux rabbins, dont le Grand rabbin KAPLAN, Grand Rabbin de France au cours d’une cérémonie solennelle présidée par Monsieur MARX, Président du Consistoire.

Depuis, la communauté juive de Luxembourg utilise ce bâtiment comme lieu de culte et de centre communautaire.

Durant la guerre, le Grand Rabbin Serebrenik eut une conduite héroïque. Convoqué à Berlin par Eichmann, il lui tint tête et réussit à sauver de nombreux coreligionnaires. Il fut aidé en cela par un officier de la Wehrmacht responsable du bureau des passeports, Franz von Hoiningen Huene (voir le livre de François Heisbourg “cet étrange nazi qui sauva mon père”) ainsi que par le chargé d’affaires américain George Platt Waller et par l’ex président du Consistoire, Albert Nussbaum, lequel avait organisé à partir de Lisbonne un réseau d’évasion de Luxembourg vers le Portugal aidé et financé par le l’organisation américaine “joint”.

Ayant réussi à fuir de justesse aux Etats-Unis ou il créa la communauté Ramat Ohra, Serebrenik signifia sa démission officielle entant que Grand Rabbin de Luxembourg en 1946. Ce fut Joseph Kratzenstein qui assuma ce sacerdoce de 1946 à 1948, puis Charles Lehrmann de 1950 à 1958.

Durant les 32 années de son Grand-Rabbinat, de 1958 à 1990, le Docteur Emmanuel Bulz a profondément marqué par son ouverture d’esprit vers le monde non juif et plus particulièrement la société civile luxembourgeoise, leur apportant une connaissance du judaïsme et une démythification de certaines idées reçues.

Le Grand-rabbin Bulz est décédé le 4 novembre 1998.

Ayant pris sa retraite en 1990, il fut remplacé par le Grand rabbin Joseph Sayagh né en 1949 à Fès, au Maroc. Le Rabbin Sayagh est le premier rabbin venu d’Afrique du nord.

Depuis 2011, le Grand Rabbin Alain Nacache a pris la succession du Grand Rabbin Joseph Sayagh.

(Afin de connaître les Grands rabbins qui se sont succédés à Luxembourg depuis Samuel Hirsch en 1843, vous pouvez consulter l’article d’Alain Meyer paru dans “ons Stadt” en 1991 en indiquant sur votre moteur de recherche : Les Grands Rabbins de Luxembourg ons stadt).

Pour les rescapés d’une communauté juive exsangue, le retour à Luxembourg fut difficile. Beaucoup, outre des membres de leur famille avaient perdu tous leurs biens matériels, et il fallut encore plusieurs années avant qu’au titre des dommages de guerre certains juifs luxembourgeois (les étrangers et apatrides étaient exclus de ces dédommagements par une loi luxembourgeoise de 1953) puissent bénéficier d’un dédommagement à la suite des accords conclus à Luxembourg entre le ministre des affaires étrangères israélien Moshe Sharett et le chancelier Konrad Adenauer le 10 septembre 1952.

Reconstruire une vie de famille et une vie sociale, retrouver une activité professionnelle, faire renaitre de leurs cendres le culte et la synagogue représentaient leurs préoccupations essentielles.

Quant à la population luxembourgeoise en général, elle aussi durement touchée par la guerre, après avoir récupéré ses résistants, ses déportés, ses enrôlés de force elle pansait ses plaies, mais réglait également ses comptes avec tous ceux qui, ayant pactisé avec l’ennemi, jetaient l’opprobre sur le patriotisme luxembourgeois.

Tant et si bien qu’une fois justice faite, il fallait bien, dans un souci de paix sociale – et peut-être de protection de certaines élites – jeter un voile pudique sur des comportements et des actes ayant particulièrement affecté la population juive.

En 2002, sur proposition du député Ben Fayot fut instituée une Commission spéciale pour l’étude des spoliations des biens juifs au Luxembourg pendant les années de guerre 1940-1945 dont le rôle était d’identifier et d’évaluer les spoliations subies par la population juive, de tenter de tenter de retrouver une partie de ce qui avait été volé et enfin de mettre en place un centre de documentation sur ce qu’avait été la Shoah, de créer une Fondation de la Mémoire de la Shoah, de construire un monument à la mémoire des victimes de la Shoah et d’instaurer des programmes pédagogiques mettant en garde contre les idéologies criminelles ayant mené à la Shoah.

Le rapport final ne fut jamais publié officiellement, mais cette commission eût comme résultat de mettre sur les rails une recherche assez timorée jusqu’alors. A partir de 2008 étaient terminés les travaux de recherche sur le recensement des juifs ayant résidé à Luxembourg au 10 mai 1940 et le sort qui leur avait été réservé.

Lorsqu’en septembre 2012, rompant l’omerta, l’historien Serge Hoffmann, dans une lettre ouverte publiée au Tageblatt, remettait en cause la responsabilité de l’État luxembourgeois par rapport à la Shoah, il amorçait un processus dont les conséquences remettaient définitivement en question l’historiographie lénifiante qui durant 70 ans avait jeté le voile pudique de l’héroïsme national sur une difficile vérité.

Dans la foulée, le député Ben Fayot prenait au bond, le 28 septembre, la balle lancée par Serge Hoffmann en posant sur le sujet une question parlementaire au gouvernement.

À l’occasion d’une carte blanche sur RTL en février 2013, l’historien Denis Scuto donnait à la bonne conscience collective un coup de grâce définitif en dévoilant la responsabilité de la commission administrative dans l’établissement d’une liste de 289 enfants juifs, rejoignant ainsi les soupçons justifiés formulés 27 ans auparavant par Paul Cerf.

Cette mise en cause incita le Premier ministre de l’époque, Jean-Claude Juncker, à mettre en place en 2013 un comité scientifique à la tête duquel se trouvait un jeune historien, Vincent Artuso, dont l’indépendance vis-à-vis de l’establishment historique luxembourgeois rendait les travaux plus crédibles.

À l’ombre de ce projet très médiatisé, le Premier ministre chargeait, le 13 septembre 2013, l’ex-député Ben Fayot d’une mission de concertation afin de mettre en place une Fondation de la mémoire de la Shoah à Luxembourg , lui expliquant également les missions qui lui seraient confiées. Moins voyant, ce projet revêtait, aux yeux de la communauté juive de Luxembourg, une importance capitale dans la mesure où il comportait des objectifs dont les plus importants étaient et sont toujours -de nature pédagogique.

Remis par son auteur au Premier ministre M. Xavier Bettel le 26 juin 2014, le rapport a abouti à une cascade de décisions et d’événements qui, 70 ans après les événements représentent une salutaire rupture n’exonérant aucun des partenaires potentiels – Etat, sociétés, institutions, banques, assurances, etc – d’un réglement du problème des spoliations toujours pendant.

Le 10 février 2015, Vincent Artuso remettait son rapport “la question juive au Luxembourg”.

Le 11 mai 2015 était prise la décision d’ériger un monument destiné à commémorer les victimes de la Shoah, financé conjointement par l’Etat et la ville de Luxembourg.

Le 9 juin 2015, La Chambre des députés votait à l’unanimité une résolution présentant des excuses à la communauté juive pour la responsabilité de l’Etat luxembourgeois dans les souffrances subies par la communauté juive.

Le 21 juin 2016 était créé le Comité pour la mémoire de la seconde guerre mondiale associant enfin la Communauté juive aux autres victimes de la barbarie nazie, les résistants et les enrôlés de force.

Le 17 juin 2018 était érigé, symboliquement très proche de l’endroit où se situait la première synagogue, en présence du Grand-Duc Henri, de la Grande Duchesse Maria Teresa, du Premier Ministre Xavier Bettel, du Président de la Chambre des députés Mars di Bartoloméo, de la Bourgmestre de la ville de Luxembourg Lydie Polfer, du Grand rabbin Alain Nacache, du Président du Consistoire Albert Aflalo et de nombreuses autres personnalités le monument aux victimes de la Shoah. Sculpté dans un bloc de granit rose par l’artiste franco israélien Shelomo Selinger, lui-même rescapé de 9 camps successifs et de deux marches de la mort, ce monument est également très proche de la Gëlle Fra, symbole de la liberté et de la résistance du peuple luxembourgeois, proche également du monument de la solidarité nationale en souvenir de la solidarité et de la résistance face à occupant nazi.

En 2018, la Fondation Luxembourgeoise pour la Mémoire de la Shoah voit enfin le jour.

Bibliographie

Période médiévale :
Jean-Marie Yante : “Les juifs dans le Luxembourg au moyen-âge”.
Bulletin trimestriel de l’institut archéologique du Luxembourg. Arlon 1986 N° 1-2.
(Webapps.fundp.ac.be/bib/pdf/4940.pdf).

19ème siècle
Emile Krier : “Les juifs au Grand-Duché au XIXe siècle”.
Bastogne : Musée en Piconrue, 2001, pages 119-128, article, No 6050.
Joseph Goedert : “L’émancipation de la communauté israélite luxembourgeoise et l’administration du culte dans la première moitié du 19e siècle”. In – Galerie, Differdange, 1993, article, No 6051.

Archives du Consistoire israélite de Luxembourg
Période de la seconde guerre mondiale :
Paul Cerf L’étoile juive au Luxembourg. RTL Edition 1986.
Vincent Artuso “La question juive au Luxembourg” 1933-1941.
L’Etat luxembourgeois face aux persécutions antisémites nazies. Rapport final.

Histoire générale de la Communauté juive de Luxembourg
Charles et Graziella Lehrmann : “La communauté juive de Luxembourg dans le passé et dans le présent”.
Imprimerie coopérative 1953. Esch sur Alzette.
Laurent Moyse : “Du rejet à l’intégration”.
Histoire des juifs du Luxembourg des origines à nos jours. Editions Saint-Paul Luxembourg. ISBN 978-2-87963-810-2.

Cette rubrique a été préparée et rédigée avec le concours de Messieurs Claude Marx et Laurent Moyse que nous remercions.

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